Cet article vise à formaliser et à transmettre les enseignements que j’ai pu tirer lors de la création d’un projet “Web 2.0”, entre 2006 et 2007.

 

Partant de cette expérience, je me suis fait une idée personnelle de la voie la plus directe et la plus efficace possible. Une voie plus économe en temps, en investissement et en rencontres. Une voie de construction pragmatique qui maximise les chances d’aboutir à un projet pertinent, réaliste et susceptible de rencontrer le marché.

 

Cette voie, que je formaliserai dans un prochain article, est principalement déduite des enseignements suivants :

 

1. L’idée est déterminante

2. Oubliez “la voie royale”
3. Devenez un expert du marché
4. Réalisez un prototype le plus vite possible
5. Faites challenger votre projet et ajustez en permanence
6. Trouvez des associés et développez votre réseau

 

Enseignement n°1: L’idée est déterminante
Les idées novatrices de produits ou de services ne manquent pas. Nous sommes même nombreux à pouvoir imaginer des solutions à des besoins entrevus ou bien pour exploiter des innovations techniques.
Cependant, la finalité d’une entreprise n’est pas simplement de développer une idée, mais de créer de la valeur et de gagner de l’argent.
Cela peut sembler une évidence, mais l’engouement actuel pour le “Web 2.0” engendre une grande quantité de projets dont les chances de succés semblent a priori trés faibles sur le marché.
Pour fonctionner, une idée doit a minima trouver un marché, avoir un avantage concurrentiel sur ce marché et enfin elle doit pouvoir développer un modèle économique crédible.
L’idée initiale porte en elle-même le potentiel de réussite ou d’échec futur. C’est pourquoi il est essentiel, avant d’aller plus loin, de faire valider son idée pour vérifier ses chances de réussite.
En première approche, la méthode la plus simple est de réaliser soi-même une analyse critique à partir de sa propre connaissance du marché (cf. Enseignement n°3 – “Devenez un expert du marché”).
Il reste que rien ne vaut un ou plusieurs avis extérieurs “éclairés”. Présenter l’idée à des collègues compétents, à des professionnels du secteur ou a des investisseur permet de tester son idée et de voir si elle résiste au flot de critiques.
Dans le secteur du web, il m’a semblé que peu de cabinet spécialisés étaient susceptibles d’apporter une véritable expertise, par exemple sous la forme d’études de marché. Les véritables professionnels du web semblent plutôt se trouver à l’intérieur même des startups ou dans les structures de capital risques.

 

 

Enseignement n°2: Oubliez “la voie royale”

 

La voie royale consiste, à partir d’une idée et d’une équipe de “cadors”, à lever en quelques semaines un premier financement et à créer une société. La structure peut alors se développer en quelque mois avec des moyens confortables et lancer une version beta pour tester le marché.

Cette voie idéale est accessible uniquement si vous partez avec une équipe de personnalités reconnues et complémentaires. Idéalement avec un entrepreneur qui a déjà créé une startup à succès et qui bénéficie d’une forte notoriété dans le milieu (ils sont peu nombreux en France).

Sans ces profils dans votre projet, les chances de parvenir à lever des fonds avec une simple idée et quelques inconnus sont très faibles.

J’ai rencontré au début de ma démarche de nombreux acteurs du financement : plusieurs sociétés de capital risque, des business angels, des intermédiaires, etc. Tous m’ont amenés à cette même conclusion: Ils ont besoin de la validation et de la crédibilité d’un sponsor reconnu pour pouvoir avancer des fonds. Cela semble être une règle universelle du secteur qui s’applique de manière stricte en France, mais également aux Etats-Unis, sous une forme probablement plus ouverte.

 

Tant que l’on ne renonce pas à la voie royale, on peut passer beaucoup de temps à préparer des présentations et des business plans, et à rencontrer les acteurs du financement. Bien que ces rencontres soient toujours instructives, elles ne font pas avancer votre projet. Par ailleurs le réseau de connaissance noué au fil de ces rencontre me semble relativement peu valorisable et pérenne. Les flux de personnes et de projets rencontrés par les financiers sont considérables et nous sommes tous amenés à filtrer et à oublier pour pouvoir nous focaliser sur les choses essentielles.

Le renoncement à la voie royale permet de s’orienter vers une voie pragmatique, peut-être plus réaliste et constructive pour le projet. Une voie qui force aussi à être bon pour exister, car disposer d’un financement confortable permet éventuellement de se tromper de route, voire d’être médiocre (le temps de tout dépenser).

 

 

Enseignement n°3: Devenez un expert du marché

 

La quantité de projets et de startup ciblant le marché du web est considérable, énorme, gigantesque! Il semble en fait que toutes les idées et les possibilités imaginables sont systématiquement mises en œuvre et testées (voir le post ci-dessous sur le phénomène de criblage).

Cette situation impose de connaitre parfaitement le marché et de s’informer sans relâche sur les innovations, les modèles économiques, les projets qui marchent et ceux qui échouent.

La connaissance et la compréhension du marché permet de positionner son propre projet, d’identifier les acteurs (concurrents, clients, partenaires, etc.) et finalement d’évaluer la crédibilité d’une idée.

Connaitre parfaitement le marché est un préalable qui permet également de gagner beaucoup de temps, en évitant d’investir en partant de zéro dans la conception de solutions que l’on croit être uniques. Encore une fois, la plupart des modèles qui marchent ont en réalité déjà été réalisés et testés par d’autres, sous des formes diverses. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de marge d’innovation. L’innovation est bien souvent le fruits de recompositions et d’approches originales, réutilisant des concepts et des technologies préexistants.

Par ailleurs, la présence de concurrents sur un marché donné ne doit pas être un barrage pour se lancer à sa conquête. Là ou des business rentables existent, il peut y avoir de la place pour de nouveaux acteurs. A l’inverse, là où il n’y a pas de concurrents, il n’y a peut-être pas de marché…

Comment devenir un expert du marché web 2.0? Ma méthode consiste à lire beaucoup et sur la durée: les blogs de référence, les sites web et la littérature business (française et étrangère), etc. Sur internet, une méthode efficace pour absorber une grande quantité d’information en un minimum de temps consiste à utiliser un agrégateur de contenu, par exemple iGoogle, Google Reader, NetVibes, etc.

Par ailleurs, en principe, la participation à des conférences ou salons thématiques est également l’occasion d’avoir des retours d’expérience et de sentir les évolutions du marché. Ce peut être en outre un moyen plus ou moins efficace de développer un réseau (cf. enseignement n°6). Néanmoins, au début d’une démarche ces événements me semblent comporter un intérêt incertain. Le coût peut être rédhibitoire (ex. Le Web3 à 1000 € HT), la foule innombrable, et le ton peut facilement devenir convenu et empreint d’un optimisme naïf et forcé. L’intérêt est en revanche évident pour ceux qui sont déjà lancés et qui cherchent à étendre leur notoriété.

 

 

 

Enseignement n°4: Réalisez un prototype le plus vite possible

 

Si vous n’avez rien à montrer, vous n’avez pas de projet.

Je me suis assez vite rendu compte de l’inutilité d’essayer de développer un projet à partir d’une présentation, aussi élaborée et visuelle soit-elle. De toute manière, une fois que l’on a éliminé l’approche de la “voie royale”, il faut bien se décider à avancer concrètement d’une manière ou d’une autre.

Un prototype permet de matérialiser un projet, en passant de l’idée et du discours fumeux à un véritable produit grandeur nature, concret et utilisable.

Le prototype a pour but d’être présenté afin de recueillir des avis critiques, d’évaluer la pertinence du produit et d’ajuster sa définition pour trouver la meilleure adéquation avec le marché.

Dans un deuxième temps, le prototype servira de base à la réalisation d’une première version (alpha ou beta) à mettre en ligne. Sur le web, l’approche itérative et la réutilisation de composants sont parfaitement adaptés. Cela nécessite une approche méthodique et certaines connaissances techniques dés le départ pour pouvoir avancer à peu de frais. Je prévois de détailler cette démarche dans un prochain article.

Le prototype peut donc devenir le support de toutes les réflexions, de toutes les spéculations et de l’élaboration même du projet, dans ses dimensions business et humaines au-delà de la technique. Je le vois comme une sorte de Meccano en construction et en déconstruction permanente.

Le prototype permettra éventuellement de conclure à l’inadéquation du projet sur le marché et d’arrêter là la démarche. Idéalement, il permettra au fil des itérations de déterminer une voie possible et potentiellement porteuse.

 

 

Enseignement n°5: Faites challenger votre projet et ajustez en permanence

 

Le porteur de projet est tout sauf objectif et rationnel. L’essence même de la création repose sur le désir, le plaisir, l’imagination et le rêve. Les mécanismes mentaux à l’œuvre sont donc relativement peu en prise avec la raison, la réalité et les contraintes du monde.

Il s’agit donc de contrebalancer ou de canaliser les idées du créateur en les confrontant à la l’avis et à la critique d’autrui.

Plus un projet est challengé en amont par des profils variés (utilisateurs, experts marketing, business, techniques) plus il a des chances, au fil des ajustements successifs d’aboutir à quelque chose qui tienne la route.

L’important est donc de trouver des interlocuteurs pertinents à qui présenter son projet. A ce stade, une mise en ligne du prototype (version alpha ou beta de la solution) est très utile pour pouvoir solliciter l’avis de personnes distantes.

S’il s’agit d’un produit destiné au grand public, il me semble important de ne pas se limiter à la seule communauté des ‘geeks‘ et des technolophiles hyperactifs du net. Bien qu’intéressant, leur avis et leur comportement peut s’avérer très éloigné de celui des utilisateurs moyens.

Cet aspect des choses me semble pouvoir expliquer le fait qu’un grand nombre des projets qui apparaissent et disparaissent sur le web sont peut-être fait par et pour les ‘geeks‘.

 

 

Enseignement n°6: Trouvez des associés et développez votre réseau

 

Dernier enseignement qui pourrait être placé en premier : rien ne peut être fait tout seul.

La plupart des retours d’expérience le montrent, il est extrêmement rare qu’un projet monté par une seule personne devienne un succès significatif. Tous les concours d’aide à la création d’entreprise le rappellent dans leur dossier de candidature: Ycombinator, SeedCamp, Oseo Innovation, etc.

La qualité de l’équipe fondatrice apparait comme l’un des critères majeurs de succès. Chez les investisseur, cela semble même être le premier critère de jugement, avant le produit et le modèle économique. Ils doivent certainement se dire qu’avec une bonne équipe, l’entreprise sera toujours capable in fine de s’adapter à n’importe quel marché pour gagner de l’argent.

Toujours est-il que la constitution d’une bonne équipe est peut être le challenge le plus difficile qui attend un porteur de projet.

Pour ma part, c’est ici qu’en est aujourd’hui ma propre démarche et si je trouve une méthode efficace, je ne manquerai pas de la partager sur ces pages. En attendant, n’hésitez pas à me contacter pour en savoir plus sur mon projet. Je recherche en priorité des experts marketing et business…

Retour sur l’idée que le web 2.0 est dans un processus autorégulé d’exploration systématique de ses propres possibilités.

Le foisonnement actuel de projets et de startups me fait penser au processus de criblage moléculaire mis en oeuvre dans la recherche pharmaceutique. Le criblage moléculaire (High-throughput screening) permet de découvrir les molécules susceptibles de devenir les médicaments de demain. La technique consiste a effectuer des tests à grande échelle en essayant un très grand nombre de molécules différentes sur une cible biologique. Lorsque qu’une molécule montre une activité particulière, elle est sélectionnée (on parle de ‘hit’) pour passer à l’étape suivante du processus de sélection. De nombreux tests sont ensuite menés (notamment des tests cliniques) pour éventuellement aboutir après plusieurs années de recherche à la mise sur le marché d’un nouveau médicament. Le processus aura donc sélectionné une molécule particulière parmi des dizaines de milliers de possibilités proposées en amont.

Les startups du web sont comme des molécules agissant sur une cible biologique : le marché. Celles qui montrent une activité particulière passent à l’étape suivante (un premier tour de financement) et ainsi de suite jusqu’à l’aboutissement éventuel d’une entreprise de premier plan (Google, MySpace, eBay, etc.).

Que vont devenir les réseaux sociaux dans les prochaines années? Ces plateformes vont-elles continuer à se développer pour devenir rentables et pérennes? Au-delà de leur énorme succés actuel, ces nouveaux business semblent pourtant porteurs de nombreuses faiblesses, en particulier :

  • Les réseaux sociaux ne reposent sur aucune innovation technologique propre et brevetable. La copie et le clonage sont possibles et en pratique, ils se produisent
  • Les services offerts se différentient de moins en moins les uns des autres et il y a une convergence fonctionnelle vers ce qui marche
  • La monétisation des plateformes amène à de plus en plus d’intrusions dans la vie privée des utilisateurs qui engendre des dégradations d’image et des réactions de rejets
  • Le succès actuel semble beaucoup lié à des phénomènes de mode et de curiosité, avec des utilisateurs zappeurs à la recherche de nouveautés et de liberté
  • Le succès d’un réseau peut contribuer à le rendre moins attractif voire répulsif – Un ado qui retrouve ses parents sur Facebook à toutes les raisons d’aller voir ailleurs

Partant de là, que peut-il advenir ? Les leader en s’adossant à de grands groupes vont probablement garantir leur pérennité, tout en se banalisant fortement. Ils perdront assez vite leur identité pour devenir de simples services en ligne, tel que peut l’être aujourd’hui la messagerie. Le marché va donc se « commoditiser », suivant un modèle qui touche l’ensemble du secteur IT : infrastructure, logiciels, portails d’information, etc.

Par ailleurs, les utilisateurs ayant le plus souvent besoin de s’inscrire sur plusieurs réseau sociaux, on peut s’attendre à l’apparition d’outils permettant de gérer efficacement l’ensemble de son identité numérique : agrégateurs de réseaux, portails de services, etc. La conséquence sera pour les réseaux une perte importante de maitrise de la forme et du fond du contenu délivré. Cette perte de controle altèrera probablement à son tour la mise en œuvre des modèles économiques actuels, largement basés sur la publicité.

En marge des services banalisés délivrés par quelques acteurs majeurs, l’exploration systématique des possibilités du web va se poursuivre à un rythme soutenu. La création de nouveaux services et leur diffusion est de plus en plus facilité par les technologies et des solutions à bas cout : programmation par composants, mashup, hébergement « low cost », etc. Par ailleurs, la création d’une startup devient de plus en plus facile, son financement requiert des montants de moins en moins élevés et le « time to market » est considérablement réduit. Voir l’excellent essai de Paul Graham sur le sujet.

Ce foisonnement de startups offrant des services en ligne innovants participe à un immense système de sélection naturelle. Seuls les services apportant réellement une nouveauté pour répondre à un besoin du marché obtiennent une visibilité. Cette visibilité peut éventuellement devenir un succès, et enfin, se transformer en business pérenne si toutes les conditions sont réunies. La machine à sélectionner absorbe les quelques innovations pertinentes pour les intégrer le plus souvent dans l’offre des acteurs existants (aprés un rachat). La grande majorité des autres tentatives disparaissent plus ou moins rapidement. En marge, un nombre important de services en ligne peu ou pas rentables survivent plus ou moins fragilement, dans un environnement fortement concurrentiel.

Les réseaux sociaux apparaissent donc aujourd’hui comme une offre dont la sélection est déjà assez largement avancée. Des acteurs secondaires ou de niche peuvent apparaitre au travers d’approche nouvelles, se distinguant en particulier par une identité forte. Il reste que la possibilité de monétiser et de pérenniser de telles plateformes apparait toujours comme un énorme challenge compte tenu de leurs faiblesses intrinsèques.

[A suivre…]

Hello world

December 6, 2007

Ce blog vise les objectifs suivants :

  • Partager des points de vues et des analyses sur l’entrepreneuriat et sur les modèles économiques du web
  • Formaliser et capitaliser un retour d’expérience issu de la création d’une plate-forme “Web 2.0” (accés beta disponible sur demande)
  • Identifier les domaines d’innovation sur internet où des opportunités business peuvent exister

Mon approche consiste à rechercher un équilibre entre le principe de plaisir et le principe de réalité innérents aux idées innovantes et à la démarche entrepreneuriale.